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Nouvelle étude relative à l’impact d’un enchaînement de services sur le sommeil, la somnolence et le stress

Actualités - 04/07/2024
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Auteur(s): 
Edelhart Kempeneers


Selon une étude menée par l’institut suédois Karolinska, le fait d’enchaîner les services, c’est-à-dire moins de onze heures de repos entre les services, a des répercussions significatives sur le sommeil et le bien-être du personnel infirmier.

Contexte


Les courtes périodes de repos entre les services sont courantes dans des secteurs tels que les soins de santé, l’agriculture, la construction et les transports. En Europe, deux travailleurs sur dix sont concernés, malgré les réglementations qui tentent de limiter ces pratiques. Dans le secteur des soins de santé scandinaves en particulier, l’enchaînement de services est un phénomène très répandu, qui touche, selon les estimations, de 20 à 68 % du personnel infirmier. Mais cette pratique existe également en Belgique.

Le type le plus courant d’enchaînement est le passage d’une équipe de nuit à une équipe de jour. Bien que cette pratique soit appréciée par de nombreux travailleurs postés, car elle permet des périodes de repos consécutives plus longues, elle présente également des inconvénients importants. Un enchaînement de services limite le temps de sommeil et de récupération, ce qui peut entraîner une réduction de la durée et de la qualité du sommeil. En outre, ce modèle est contraire à la législation européenne, qui interdit de telles pratiques. Des changements réglementaires récents en Suède et en Finlande tentent de remédier à cette situation, mais l’impact de ces changements n’a pas encore été pleinement évalué.

Implications en matière de santé et de sécurité

Le lien entre le sommeil et les performances est bien documenté. L’enchaînement de services est un facteur de risque pour la sécurité, non seulement en raison de la courte durée de sommeil, mais aussi en raison du sommeil de moins bonne qualité. Un manque de sommeil peut entraîner une somnolence diurne accrue, de la fatigue, voire des problèmes de santé à long terme. En outre, un sommeil insuffisant peut contribuer à des problèmes tels que se faire du souci et avoir des difficultés à se détacher mentalement du travail, ce qui rend l’endormissement difficile et réduit encore la qualité du sommeil.


Image : mécanismes envisagés par lesquels l’enchaînement de services peut affecter le sommeil, contribuant ainsi à la fatigue, au stress et à la réduction des performances et du bien-être pendant le service de jour, et par la suite affecter la qualité du temps libre après le travail, annulant ainsi certains des effets positifs d’un temps libre ininterrompu plus long. Source : Öster et al.

Méthodologie de l’étude

Cette étude analyse les données actigraphiques et les journaux de 90 infirmiers pendant sept jours. La qualité du sommeil a été mesurée à la fois objectivement (par la fragmentation du sommeil) et subjectivement. Les niveaux de stress et de somnolence ont été mesurés toutes les trois heures pendant la journée. Le travail posté a été identifié à partir des heures de travail déclarées par les intéressés et les données ont été analysées à l’aide de modèles multiniveaux.
L’âge moyen des participants était de 29,4 ans, avec un écart type de 7,7 ans. Sur les 90 participants, 91 % étaient des femmes, 89 % faisaient partie du personnel infirmier et 92 % travaillaient à temps plein. L’expérience moyenne au sein de la profession variait de 1 à 34 ans, avec une moyenne de trois ans et un écart type de 6,1 ans. La durée moyenne du temps de repos pendant l’enchaînement de services était de neuf heures et onze minutes.

Impact sur la qualité du sommeil

Les résultats ont montré que l’enchaînement de services réduisait la durée du sommeil de 1,02 heure en moyenne par rapport aux transitions jour-jour. Bien qu’aucune différence significative n’ait été constatée au niveau de l’indice de fragmentation du sommeil, la qualité subjective du sommeil a nettement diminué. Les participants se sont sentis plus somnolents au travail et pendant les loisirs le deuxième jour suivant l’enchaînement de services. Il n’y avait pas de différence significative dans le stress lié au travail entre les différentes séquences de travail.
Les infirmiers ont indiqué que la qualité de leur sommeil était nettement moins bonne après un enchaînement de services. Ils se sentaient moins reposés au réveil et ressentaient une anxiété accrue avant le coucher. Ces résultats sont cohérents avec une étude antérieure montrant que le manque de sommeil et un sommeil de moins bonne qualité contribuent directement à la fatigue et à la baisse des performances au travail.

Une augmentation de la somnolence pendant le travail et les loisirs a été observée au sein du personnel infirmier après un enchaînement de services. Cette somnolence accrue peut affecter la vigilance et la capacité à effectuer des tâches complexes. Bien que la plupart des infirmiers ne risquent pas de s’endormir, une somnolence accrue et une vigilance réduite peuvent nuire à leur capacité d’interagir avec les patients et d’effectuer des tâches critiques pour la sécurité.

Image : estimation de la somnolence lors d’un enchaînement de services et de transitions jour-jour. Les barres d’erreur indiquent l’intervalle de confiance. Source : Öster et al.

Recommandations pratiques

Les résultats de l’étude soulignent la nécessité d’une planification minutieuse des horaires afin de minimiser l’impact négatif d’un enchaînement de services. La surveillance des niveaux de fatigue, la programmation de pauses périodiques, la variation des tâches et la limitation des heures supplémentaires peuvent être des solutions appropriées pour éviter une somnolence excessive et une baisse des performances après un retour rapide :

• planification des horaires : éviter les enchaînements de service fréquents afin de ne pas manquer de sommeil et de ne pas augmenter la somnolence ;
• surveillance de la fatigue : suivre les niveaux de fatigue et prévoir des pauses périodiques ainsi que de la variation dans les tâches ;
• tâches critiques pour la sécurité : essayer de ne pas effectuer ces tâches pendant les premières et dernières heures de service, moments où la somnolence est la plus forte ;
• soutien et lignes directrices : proposer des lignes directrices de soutien et des mécanismes de double contrôle pour réduire l’impact de la somnolence sur les performances professionnelles.

Les résultats de cette étude confirment qu’un enchaînement de services entraîne une réduction de la durée de sommeil et une baisse de la qualité subjective du sommeil. Une somnolence accrue pendant le travail et les loisirs peut nuire aux performances et à la sécurité. Bien que les niveaux de stress n’aient pas changé de manière significative, une somnolence accrue peut indiquer un risque pour les soins aux patients et la sécurité des travailleurs. Ces informations sont utiles aux conseillers en prévention qui s’attachent à améliorer les horaires de travail et le bien-être des travailleurs dans le secteur des soins de santé et d’autres secteurs dans lesquels les horaires sont irréguliers. Il est important de prêter attention à la planification du travail posté et à la mise en œuvre de meilleures pratiques afin de garantir la santé et la sécurité des travailleurs.

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Source :

  • Öster K et al. Quick returns, sleep, sleepiness and stress – An intra-individual field study on objective sleep and diary data. Scand J Work Environ Health. Online-first-article, Published online: 30 Jun 2024.