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L’effet du télétravail sur les performances et le bien-être des travailleurs

Actualités - 09/02/2021
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Auteur(s): 
Geert Van Cauwenberge


On ne saurait surestimer l’impact des mesures sanitaires sur le bien-être psychosocial au travail. Le 23 novembre dernier, l’Association pour la Psychologie du Travail et des Organisations (APTO) et son partenaire néerlandophone la Vereniging van Organisatie, Consumenten- en Arbeidspsychologie (VOCAP) lui ont consacré un webinaire organisé en collaboration avec le SPF ETCS. Divers spécialistes y ont abordé la manière dont nous pouvons restaurer la collaboration et la confiance entre collègues en ces temps de crise, et instaurer une dynamique de relance structurelle dans les entreprises et organisations. Cet article est une synthèse de quelques-unes des expériences et perspectives partagées lors de ce long webinaire, telles que l’étude du HIVA sur le lien entre télétravail et bien-être et prestations des travailleurs.

Le Dr Joni Delanoeije est chercheuse post-doctorale au sein du HIVA (institut de recherche en Travail et Société à la Faculté d’économie et de sciences commerciales de la KU Leuven). Durant ce séminaire, elle a mis au jour les liens entre télétravail et bien-être et prestations des travailleurs.



Le boom du télétravail

La percée du télétravail dans notre pays a été une réponse à un marché du travail en perpétuelle mutation, bouleversé par l’arrivée d’un nombre croissant de femmes, l’augmentation du nombre de familles monoparentales et l’évolution des normes sociétales. Le télétravail a également fourni un cadre à de nouvelles générations de travailleurs (générations Y et Z) plus soucieux de l’équilibre entre leur travail et leur vie privée, demandeurs d’autonomie et de flexibilité dans leurs conditions de travail.

Par ailleurs, l’instauration du télétravail a permis aux organisations d’accroître le bien-être de leur personnel au travail et en dehors, et ainsi d’attirer et de retenir des travailleurs talentueux et en bonne santé. Moins de stress, plus de motivation, de meilleures prestations et une rétention accrue, tels sont les atouts du télétravail.

En 2020, le HIVA a réalisé une étude sur l’impact de la crise du COVID-19 sur la fréquence et le volume du télétravail dans les entreprises belges. Il en ressort que près d’1,7 million de Belges ont télétravaillé l’année dernière (1 travailleur sur 2, contre 1 travailleur sur 5 précédemment). Le volume de télétravail a lui aussi augmenté, d’un jour et demi à 3 ou 4 jours par semaine en moyenne.
Une récente étude de la banque ING a montré que 48 % des répondants vont continuer à télétravailler après la crise sanitaire. Pas moins de 16 % des travailleurs interrogés ont toutefois déclaré ne plus vouloir travailler de chez eux, notamment en raison de la perte des contacts sociaux avec leurs collègues.

En fin de compte, le télétravail est-il bon ou mauvais pour les travailleurs ?

Deux mécanismes sont déterminants pour répondre à cette question clé. Premièrement, il y a la disponibilité formelle du télétravail dans une organisation. En d’autres termes, est-il possible ou non de travailler de chez soi ? À cet égard, on peut souligner que les travailleurs apprécient le fait que leur employeur fasse des efforts pour leur permettre de télétravailler. Ils sont plus performants et se montrent plus engagés, dans un esprit de gratitude et de réciprocité. En outre, une culture d’entreprise respectueuse de l’équilibre travail/vie privée offre plus d’autonomie aux travailleurs, ce qui contribue à la réduction du stress.

Cet environnement est propice au bien-être des travailleurs.
Deuxièmement, on peut examiner l’usage effectif des outils de télétravail. Cette approche instrumentale diminue les conflits entre travail et vie privée, réduit le stress et améliore les performances.

Spécificités du télétravail

Lorsqu’elles analysent les effets du télétravail sur le bien-être et les performances des travailleurs, les organisations ne doivent pas se focaliser sur la question de l’opportunité du télétravail, mais sur les circonstances de sa mise en œuvre. Dans ce cadre, il convient de s’intéresser aux préférences et différences individuelles, aux relations entre travailleurs, à la politique en matière de télétravail (choix libre ou non des jours de télétravail) et à la relation avec le supérieur direct (contrôles nombreux ou non). L’impact du contexte privé ne doit pas non plus être sous-estimé.

Des recherches ont démontré que :

  • chaque travailleur a ses propres arguments favorables ou défavorables au télétravail. Le succès d’une politique interne dépend donc entre autres de la prise en compte de ces préférences. Un dialogue ouvert entre employeur et travailleur est crucial à cette fin ;
  • la pression et l’influence du contexte privé sur l’efficacité du télétravail ne doivent pas être sous-estimées. La présence du/de la partenaire et des enfants à la maison peut ajouter du stress au moment d’organiser et de planifier le travail à domicile ;
  • l’autonomie et la confiance jouent aussi un rôle important. Les travailleurs doivent pouvoir s’occuper de certaines affaires privées pendant les heures de travail (dans la limite de ce qui est acceptable, bien sûr).

Cette flexibilité, si elle est prévue, ne peut qu’influer positivement sur le niveau de performance et l’équilibre travail/vie privée des collaborateurs ;
un régime (trop) directif assorti de contrôles trop pressants peut engendrer beaucoup de réticences de la part du personnel, et ainsi nuire au soutien dont jouit la politique interne en matière de télétravail ;
les employeurs doivent rester vigilants par rapport à ce que l’on appelle l’effet de sélection. Jusqu’ici, le télétravail était un « privilège » réservé aux travailleurs hautement qualifiés, les tâches d’exécution qui ne se prêtent pas ou guère au télétravail étant souvent confiées aux collaborateurs moins qualifiés.

Pièges et perspectives de la crise sanitaire

La crise sanitaire que nous traversons a des répercussions sur de nombreux aspects de la politique de télétravail que l’on connaissait jusque-là. L’année dernière, des collaborateurs sans aucune expérience de télétravail ont été contraints de travailler depuis chez eux. Par ailleurs, de très nombreux managers ont compensé la perte d’encadrement sur le lieu de travail en accentuant les contrôles et la pression sur leurs équipes. La disparition des contacts entre collègues, ainsi que les éventuelles menaces pesant sur les possibilités d’évolution au sein de l’entreprise, doivent faire l’objet d’une attention particulière.
Parallèlement, la crise a aussi créé de nouvelles possibilités. Ainsi, le paradoxe du télétravail (la fracture numérique) a pu être éliminé plus rapidement parce que de nombreuses entreprises et organisations autorisent désormais l’accès au télétravail à leur personnel moins qualifié. Le télétravail est donc généralisé, ce qui place tout le monde sur un pied d’égalité, y compris les personnes en situation de handicap, par exemple. Enfin, l’instauration accélérée du télétravail permet à de nombreux travailleurs d’en découvrir les aspects positifs (efficacité accrue, moins de stress, diminution des déplacements, etc.). Le risque de burn-out ou de dépression s’en trouve ainsi nettement diminué.



Enseignements pour une politique en matière de télétravail post-COVID-19 : plus de temps pour soi, mais plus de réunions

Les employeurs peuvent aujourd’hui tirer certaines leçons de l’année écoulée. Ces enseignements se situent à trois niveaux : autonomie, délimitation et cohésion. En ce qui concerne l’autonomie, il est entre autres crucial que la technologie ait un rôle de soutien et non de contrôle. Les organisations doivent veiller à maintenir un équilibre entre temps de travail et charge de travail. Entre d’autres termes, le télétravail ne doit pas être un motif d’extension artificielle des heures de travail. Les travailleurs ont le droit de se déconnecter aux heures convenues.

En ce qui concerne la délimitation des tâches, employeurs et travailleurs doivent s’entendre sur ce qui doit être fait. Tout doit être clair pour tout le monde. Le télétravail obligatoire (et la perte de contrôle et d’encadrement qui l’accompagne) menace la perception des priorités par les travailleurs, déjà perturbée par le manque de coordination et de vue d’ensemble. Le chevauchement permanent de tâches professionnelles et privées peut freiner la productivité et l’efficience. Une limite claire doit être tracée entre les moments pour soi et les réunions avec le bureau si l’on veut que les travailleurs soutiennent la politique de leur entreprise en matière de télétravail.

En ce qui concerne la cohésion, la disparition des équipes physiques est une source de stress supplémentaire pour certains collaborateurs. La cohésion interne, le soutien et le partage des connaissances sont tout aussi importants lorsque le travail est effectué à domicile. C’est pourquoi les employeurs doivent s’efforcer à tout prix de prévoir des moments de concertation (virtuels) compensatoires, qui offriront aux travailleurs la possibilité d’échanger des idées et de s’inspirer les uns des autres. Idéalement, ces temps de concertation doivent être programmés à intervalles réguliers et suivre une certaine structure.

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