Une récente étude de l’Institute for Work & Health (Canada) a analysé le rendement financier net des investissements en matière de sécurité et de santé au travail dans trois grands secteurs économiques : la production manufacturière, la construction et les transports. La rentabilité financière moyenne était à l’évidence positive dans chacun d’eux.
En août 2018, l’Institute for Work & Health (IWH) avait publié un « Issue Briefing » intitulé « What do employers spend to protect the health and safety of workers? ». Cette étude décrivait les dépenses estimées en SST de 334 organisations en se basant sur des entretiens avec un collaborateur de chacune de celles-ci qui en connaissait les pratiques internes en SST. Cette personne avait fourni des renseignements sur le nombre de travailleurs de l’organisation, le secteur économique, la proportion de travailleurs relevants de conventions collectives de travail et les dépenses SST, ventilées en cinq postes :
- gestion et surveillance de l’organisation ;
- formation du personnel dans le domaine de la sécurité et de la santé ;
- équipements de protection individuelle :
- services professionnels fournis par des organisations externes ;
- part de nouvelles dépenses d’investissement attribuée à l’amélioration des performances SST.
Les dépenses moyennes avaient été calculées pour 17 secteurs économiques, pour les secteurs manufacturiers comparés à ceux des services et pour la totalité de l’échantillon. L’étude avait estimé que les dépenses moyennes en SST par travailleur et par an s’élevaient à 2 417 dollars dans les secteurs manufacturiers, à 847 dollars dans le secteur tertiaire et à 1 303 dollars globalement.
Cette étude vient d’être élargie afin d’estimer le rendement financier net que les investissements dans la prévention rapportent aux employeurs. L’institut a comparé les dépenses en SST avec les avantages financiers résultants (tant corporels qu’incorporels), pour un échantillon d’employeurs affichant de solides performances SST dans trois secteurs : la production manufacturière, la construction et les transports.
L’étude
L’étude de l’IWH sur la rentabilité (return-on-investment, ROI) a comporté trois phases. Dans un premier temps, l’équipe chargée de ce projet a établi une estimation du coût moyen d’une demande d’indemnisation pour incapacité de travail à l’aide d’une méthode permettant aux employeurs d’estimer tant les frais directs qu’indirects d’une lésion ou d’une maladie d’origine professionnelle. Dans une seconde phase, elle s’est servie des dossiers administratifs de lésions et de maladies liées à la profession pour identifier les employeurs occupant au moins 100 équivalents temps plein (ETP) et présentant l’incidence la plus faible de lésions et de maladies professionnelles dans les trois secteurs. Les chercheurs de l’IWH se sont fondés à cette fin sur les déclarations des employeurs pour la période 2013-2018. Dans la troisième phase, ils ont appliqué une série d’hypothèses plausibles pour estimer les avantages financiers des dépenses en SST. Cette phase comprenait quatre étapes :
- 1re étape : estimer les dépenses de sécurité et de santé au travail ;
- 2e étape : estimer les avantages financiers corporels ;
- 3e étape : estimer les avantages financiers incorporels ;
- 4e étape : calculer le rendement financier des dépenses des employeurs dans la prévention.
Les trois secteurs étudiés ont tous affiché un rendement moyen positif et substantiel des investissements des employeurs en équipements SST. On observe bien une dispersion autour de la moyenne, mais le rendement était positif pour la plupart des employeurs.
Détails par secteur - L’étude initiale de l’IWH avait révélé que les dépenses moyennes par travailleur et par an en investissements SST dans le secteur manufacturier étaient de 1 515 dollars. L’avantage financier moyen estimé qu’en ont retiré ces employeurs s’est établi à 1 884 dollars, ce qui équivaut à un rapport coûts/avantages de 1,24, soit un rendement estimé de 24 %. Les chercheurs ont noté une dispersion autour de la moyenne, le rapport coûts/avantages étant inférieur à 1,0 pour environ 118 employeurs (41 % de l’échantillon) et supérieur à 1,0 pour 171 d’entre eux (59 %).
- Dans le secteur des transports, les dépenses moyennes par travailleur et par an en investissements SST s’élevaient à 1 326 dollars. L’avantage financier moyen estimé pour ces employeurs s’est avéré égal à 2 980 dollars, ce qui équivaut à un rapport coûts/avantages de 2,14, soit un rendement estimé de 114 %. Ce rapport était inférieur à 1,0 chez quatre employeurs (7 % de l’échantillon) alors qu’il était supérieur à 1,0 pour 52 autres (93 %).
- Les dépenses moyennes par travailleur et par an en investissements SST s’élevaient à 3 625 dollars dans le secteur de la construction. L’avantage financier moyen estimé pour ces employeurs est ressorti à 4 851 dollars, ce qui représente un rapport coûts/avantages de 1,34, soit un rendement de 34 %. Seize employeurs (18 % de l’échantillon) avaient un rapport coûts/bénéfices inférieur à 1,0, ce paramètre étant supérieur à 1,0 pour 72 de leurs collègues (82 %).
Cette étude a appliqué une méthodologie rigoureuse pour élaborer des estimations du rendement financier des dépenses et investissements des employeurs dans la santé et la sécurité au travail. Le ROI moyen sur ce type d’investissements était de 24 % pour les 289 employeurs du secteur manufacturier, de 34 % pour les 88 employeurs de la construction et de pas moins de 114 % pour les 56 employeurs du secteur des transports. Ces résultats corroborent dans les grandes lignes les estimations disponibles à la suite d’autres travaux menés dans ce domaine durant la décennie passée.
Institute for Work & Health: Estimating the financial return on employers’ investments in the prevention of work injuries in Ontario