85 % des médecins d’entreprise reçoivent en consultation des personnes souffrant de problèmes liés au travail de nuit, comme des troubles du sommeil et de la fatigue. C’est ce qui ressort d’une étude menée par Pointer, la plateforme néerlandaise de KRO-NCRV pour le journalisme d’enquête à la télévision, à la radio et en ligne.
Aux Pays-Bas, 1,3 million de personnes travaillent de nuit, dont 600 000 de manière régulière. Le travail de nuit existe dans divers secteurs, comme les soins de santé, l’horeca et l’industrie. Mais c’est le secteur des transports qui arrive en tête. Les chiffres de l’enquête nationale sur les conditions de travail de 2021, menée par TNO et CBS, révèlent que 37 % des travailleurs du secteur du transport travaillent parfois ou régulièrement la nuit. Le secteur des soins de santé lui emboîte le pas (21 %). Les recherches scientifiques ont confirmé que les travailleurs de nuit présentent un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires et de diabète de type 2.
Les travailleurs de nuit souffrent toutefois principalement de problèmes de sommeil, une fois et demie à deux fois plus souvent que les personnes qui travaillent le jour. Il est notamment question de plaintes concernant la durée et la qualité du sommeil après le service de nuit, de somnolence pendant le travail ou d’un état de fatigue générale. Il existe même un trouble du sommeil officiel lié au travail de nuit : le Shift work sleep disorder (abrégé SWSD), appelé en français « trouble du sommeil du travailleur posté » ou « syndrome du travail posté ». En 2017, le Nederlandse Gezondheidsraad (Conseil néerlandais de la Santé) a déjà conseillé à la ministre des Affaires sociales et de l’Emploi de limiter le travail de nuit là lorsque c’était possible. Toutefois, le nombre de travailleurs de nuit aux Pays-Bas a à peine diminué ; 14 % des travailleurs travaillent encore parfois ou régulièrement la nuit.
Les journalistes du Pointer, en collaboration avec la Nederlandse Vereniging voor Arbeids- en Bedrijfsgeneeskunde (Association néerlandaise pour la médecine du travail, en abrégé « NVAB »), a mené une enquête auprès de 1 700 médecins du travail. Au total, 252 médecins du travail ont répondu à l’enquête, dont 213 ont été confrontés au travail de nuit dans la pratique.
Les employeurs n’en font pas assez
Seul un médecin d’entreprise sur cinq pense que les entreprises font suffisamment d’efforts pour prévenir les problèmes de santé causés par le travail de nuit. 66 % des médecins d’entreprise ont déjà abordé la question du travail de nuit avec les employeurs. Toutefois, l’enquête révèle que cette démarche donne rarement lieu à des améliorations structurelles pour les travailleurs. Dans la pratique, les entreprises semblent surtout disposées à adapter (temporairement) le travail de certains travailleurs sur les conseils du médecin d’entreprise lorsque quelqu’un se plaint du travail de nuit, ce qui aboutit parfois à une déclaration d’inaptitude pour le travail.
Des absences en raison de problèmes de sommeil
Le nombre de personnes souffrant de troubles du sommeil en raison du travail de nuit n’est pas connu. Il est également difficile de le déterminer au travers de cette enquête. Les estimations des médecins d’entreprise en ce qui concerne ce chiffre varient entre 25 % et 75 % du total.
« Ce qui complique les choses, c’est que les gens ne consultent généralement pas uniquement pour des problèmes de sommeil », explique Boyd Thijssens, président de la NVAB. « Ils viennent généralement trop tard, lorsqu’ils sont déjà en congé maladie. » À cela viennent s’ajouter, par exemple, une maladie, un divorce ou un décès. Toutefois, quatre médecins d’entreprise interrogés sur dix indiquent que les problèmes de sommeil jouent régulièrement à fréquemment un rôle dans l’absence pour maladie au travail parmi les travailleurs de nuit.
Plus de risques d’accident
Une enquête menée auprès de médecins du travail révèle qu’un médecin sur cinq considère que les problèmes de sommeil chez les travailleurs de nuit peuvent entraîner des situations dangereuses. C’est notamment le trajet en voiture pour rentrer chez soi à la fin de la nuit qui présente un risque. En outre, certains d’entre eux indiquent ne pas être au courant d’incidents sur le lieu de travail, mais ils suspectent tout de même la survenue de temps à autre d’événements.
Par exemple, il est scientifiquement connu que le travail de nuit entraîne une diminution de la réactivité, de la vigilance et de la mémoire, ce qui donne lieu plus souvent à des erreurs sur le lieu de travail. On estime que le risque d’accident du travail dû au manque de sommeil est supérieur de 35 % par rapport au risque d’accident lorsque la durée de sommeil est normale. Avec une qualité du sommeil moins bonne, le risque est même supérieur de 46 % par rapport à une qualité du sommeil normale.
Pas de responsabilité politique
Même si l’avis du Conseil de la santé visant à limiter le travail de nuit est adressé à la ministre, il s’adresse principalement aux employeurs. La ministre néerlandaise des Affaires sociales et de l’Emploi, Karien van Gennip, a déclaré par l’intermédiaire de son porte-parole : « Ce sont les employeurs qui endossent la responsabilité, qui envisagent le travail de nuit et qui prennent les mesures qui s’imposent lorsque le travail de nuit est nécessaire. »
Cependant, selon les médecins du travail, les employeurs n’assument pas encore suffisamment cette responsabilité.
« Nous devons éviter davantage le travail de nuit », estime M. Thijssens (NVAB). « Évidemment, il est inévitable dans certains secteurs, comme les soins de santé ou la police. Mais je pense que l’on part trop souvent du principe que cela s’applique à tout travail de nuit ». Selon M. Thijssens, une grande partie du travail de nuit est inutile dans les centres de distribution (« Commandé avant minuit, livré demain ! »), et les employeurs favorisent souvent les intérêts économiques au détriment de la santé de leurs travailleurs.
Néanmoins, la ministre ne pense pas qu’une réglementation plus stricte sur les cas où le travail de nuit est ou non nécessaire et peut donc être appliqué soit souhaitable. À la suite de l’avis du Conseil de la santé, à la demande du ministère, les mesures préventives que les employeurs peuvent prendre pour limiter les effets néfastes du travail de nuit sur la santé ont été mises en évidence. Il s’agit par exemple des micro-siestes et d’une alimentation saine.
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Source :
KRO-NCRV Pointer