À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, l’EU-OSHA a publié la semaine dernière une note de discussion, qui mentionne que les entreprises et les organisations peuvent également contribuer à détecter les cas de violence domestique et à soutenir les victimes.
Au sein de l’Union européenne, une femme sur trois a été victime de violence sexiste ou domestique, et pas moins d’une sur cinq a subi des violences domestiques. La forme la plus courante de violence domestique dans l’Union européenne est la violence psychologique exercée par un partenaire ou ex-partenaire (43 % des femmes victimes). 22 % ont subi des violences physiques et sexuelles de la part de leur partenaire ou ex-partenaire et 18 % ont été victimes de harcèlement de la part de leur partenaire ou ex-partenaire. Une enquête menée par Opinium dans neuf pays à la demande de Vodafone a également révélé une prévalence plus élevée des abus psychologiques/émotionnels. Ce type d’abus a été subi par 64 % des victimes, suivi par les abus physiques (50 %) et les abus financiers (27 %).
Les conséquences se manifestent également sur le lieu de travail
De nombreuses victimes de violence domestique sont en âge de travailler et exercent une activité professionnelle. Les employeurs sont donc en mesure de jouer un rôle important dans la réponse de la société face à la violence domestique. La convention 1902 de l’OIT sur la violence et le harcèlement au travail, adoptée en 2019, et sa recommandation 2063 ont confirmé que la violence domestique est un problème qui a des répercussions dans le cadre du travail et qu’une évaluation des risques peut lui être appliquée. Les enquêtes menées auprès des travailleuses montrent invariablement qu’environ une femme active sur trois a subi au moins une forme de violence domestique au cours de sa vie professionnelle. Les rapports faisant état d’une augmentation de la violence domestique pendant la pandémie de Covid-19 soulignent l’importance de s’attaquer à ce problème, y compris dans le cadre du télétravail.
Les enquêtes montrent également que les victimes de violence domestique sont confrontées à des problèmes de sécurité au travail ou sur le chemin du travail, à des taux d’absentéisme plus élevés, à des problèmes d’assiduité et de productivité et à l’impossibilité de profiter des opportunités de formation et de carrière.
L’abus financier/de dépendance économique constitue une forme courante de violence domestique : environ 90 % des cas de violence domestique impliquent un abus financier, comme le fait de priver une femme de l’accès à son salaire ou à d’autres ressources, par exemple pour payer ses déplacements domicile-travail ou de contracter des dettes en son nom. En outre, les abus financiers/de dépendance économique liés au contrôle de l’argent et des finances peuvent affecter l’indépendance financière d’une victime et sa capacité à poursuivre son travail, de sorte que cette problématique devient cruciale dans le cadre professionnel.
Les victimes de violence domestique peuvent également être confrontées à des risques de sécurité liés à la violence au travail. Au lieu d’être un lieu sûr, le milieu professionnel peut être un endroit où les partenaires et ex-partenaires se livrent à des violences, à un contrôle psychologique et à des actes de féminicide. La violence peut se manifester sous la forme de persécution pendant les trajets domicile-travail et sur le lieu de travail, d’agressions sur le lieu de travail ou dans le parking, et de harcèlement par téléphone, par courrier électronique et sur les réseaux sociaux pendant et après les heures de travail. La situation peut également affecter les collègues, par exemple s’ils doivent remplacer une personne qui n’est pas en mesure de travailler de manière optimale. Les auteurs de violences peuvent présenter des risques pour la sécurité du personnel, en particulier dans les cas de harcèlement d’un partenaire ou d’un ex-partenaire sur le lieu de travail ou de réception d’appels téléphoniques ou de SMS abusifs et menaçants. Établir un plan de sécurité avec une victime peut contribuer de manière décisive à réduire ces risques.
Recommandations à l’adresse des employeurs
Une large part des recommandations adressées aux employeurs concerne la prise de mesures simples pour prendre conscience de la violence domestique, réagir avec souplesse et orienter les victimes vers des structures d’aide spécialisées. Ceci ne requiert pas de gros budgets. Au contraire, prendre des mesures pour aider les victimes à conserver leur emploi peut permettre aux employeurs de faire d’importantes économies.
Les petites entreprises peuvent prendre des mesures pour lutter contre l’impact de la violence domestique sur le lieu de travail, telles que :
• un soutien confidentiel : rassurer une travailleuse sur le fait que son travail est sûr et que des mesures de soutien sont disponibles ;
• des mesures de sécurité, comme la redirection des appels téléphoniques, des courriers électroniques et des SMS ;
• des conseils sur la sécurité des déplacements entre le domicile et le lieu de travail, y compris en matière de stationnement ;
• des horaires de travail flexibles sur une période déterminée et qui sont régulièrement réexaminés ;
• orienter la victime vers les services d’urgence locaux.
Dans les grandes entreprises, il ressort des meilleures pratiques que la sensibilisation à la violence domestique, la mise en œuvre d’une politique et la reconnaissance des différents types de soutien pour le travail hybride, à distance et en présentiel/au bureau peuvent contribuer à prévenir la violence domestique.

Cet exemple de Deutsche Telekom présente des lignes directrices concrètes pour traiter les risques sur le lieu de travail : le processus de gestion des menaces. (source : Note de discussion de l’EU-OSHA, « Créer des espaces sûrs : la violence domestique et le lieu de travail »)
Un plan d’action concret
La note de discussion de l’EU-OSHA fournit des recommandations aux employeurs, qui peuvent être adaptées aux petites, moyennes et grandes organisations.
1. Un soutien de haut niveau de la part du PDG, du conseil d’administration et des cadres supérieurs, qui contribuera à sensibiliser à la violence domestique et aux raisons pour lesquelles l’entreprise/organisation prend des mesures pour prévenir et traiter le problème.
2. Une participation des travailleurs, des syndicats et des organisations de lutte contre la violence domestique à l’élaboration, la mise en œuvre et la réévaluation des politiques pertinentes. La négociation de conventions collectives est importante, car elle peut contribuer à instaurer la confiance entre les travailleurs et à garantir que les politiques appropriées sont mises en œuvre avec tact, dans le respect de la confidentialité et sans représailles.
3. Créer un espace sûr pour que les victimes puissent parler de la violence domestique et demander de l’aide, par exemple en leur fournissant des informations accessibles sur la politique menée en la matière, en organisant régulièrement des actions de sensibilisation (y compris en invitant des orateurs issus d’organisations de lutte contre la violence domestique) et en publiant des articles dans les bulletins d’information et les circulaires, ainsi qu’aux valves de l’entreprise.
4. Former et sensibiliser à la violence domestique et aux politiques connexes, veiller à ce que les cadres reçoivent une formation et des conseils sur leur rôle dans la mise en œuvre de la politique, y compris en ce qui concerne la confidentialité et la communication empathique et dénuée de jugement. Il est essentiel que les informations sur le soutien et les politiques disponibles soient largement diffusées et que toutes les travailleuses soient avisées de la possibilité d’être informées et soutenues en toute confidentialité.
5. Une politique de lutte contre la violence domestique sur le lieu de travail et la communication des mesures de soutien disponibles jouent un rôle important dans la prise de conscience de l’impact de la violence domestique sur le lieu de travail :
- la coopération entre les RH et le service de prévention interne/externe ;
- les définitions de la violence domestique, y compris la violence physique, sexuelle, psychologique et financière et les mesures coercitives, et son impact sur le lieu de travail ;
- la confidentialité, la non-discrimination et l’absence de représailles à l’encontre des travailleuses ;
- des rôles et des responsabilités clairs pour les cadres, y compris la désignation d’un point de contact au sein des RH et/ou d’une personne de confiance/d’un avocat pour fournir des informations confidentielles aux travailleuses ;
- des protocoles et des mesures de sécurité en matière de soutien dans différentes situations professionnelles, y compris dans les fonctions en contact avec la clientèle et dans le cadre du télétravail/travail à distance et du travail hybride ;
- des congés payés susceptibles d’être pris de manière flexible, prolongés dans des circonstances exceptionnelles et associés à un soutien à la réintégration après une période de congé ;
- des horaires de travail flexibles et/ou des changements de poste de travail conclus pour une certaine période afin de protéger la sécurité des travailleuses pendant les heures de travail ;
- des ajustements des tâches professionnelles, notamment en les réduisant temporairement et d’un commun accord, et un soutien à la relocalisation géographique si une travailleuse doit déménager pour assurer sa sécurité et celle de sa famille ;
- du soutien et des conseils financiers, des prêts/avances sur salaire pour les travailleuses et de l’aide pour un hébergement sûr/d’urgence ;
- une évaluation des risques de violence domestique sur le lieu de travail ;
- la formation et l’orientation sur la violence domestique et les mesures à prendre sur le lieu de travail pour toutes les parties prenantes, y compris les cadres, les superviseurs, les RH, les responsables de la sécurité et les comités mixtes SST chargés de l’évaluation des risques fondés sur le genre ;
- une évaluation individualisée des risques et un plan de sécurité visant à gérer les risques de violence et de harcèlement de la part d’un partenaire ou d’un ex-partenaire intime à l’égard d’une travailleuse et de ses collègues sur le lieu de travail ;
- les travailleuses faisant l’objet d’une ordonnance d’urgence émise par la police ou un tribunal, d’une ordonnance restrictive ou d’une ordonnance de protection reçoivent une aide pour planifier leur sécurité s’il y a un risque que l’ordonnance soit enfreinte ;
- pour les entreprises en mesure d’aider les clients victimes de violence domestique : élaboration de lignes directrices, communication avec les clients et sensibilisation à la prévention de la violence domestique, y compris la sécurité numérique et les conseils en matière d’abus financiers ;
- un/des partenariat(s) (y compris le financement) avec une/des organisation(s) locale(s) ou nationale(s) de lutte contre la violence domestique à des fins d’orientation, de conseil, de guidance, de formation et d’information, et pour veiller à ce que les entreprises contribuent à la réalisation de l’objectif sociétal plus large visant à mettre un terme à la violence domestique.
Cette note de discussion de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail explique en quoi la violence domestique peut également entraîner des problèmes sur le lieu de travail et fournit des exemples de cadres juridiques et politiques au niveau national et de l’Union européenne. Des recommandations utiles sont également formulées pour la mise en place de mesures visant à soutenir efficacement les victimes sur le lieu de travail et à contribuer à la lutte contre la violence domestique.
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