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Impact du climat sur la santé : mise en garde de l’Agence européenne pour l’environnement

Actualités - 28/05/2024
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Auteur(s): 
Jan Dillen


Le changement climatique entraîne une multiplication des inondations et des sécheresses, ainsi qu’une dégradation de la qualité de l’eau. Il en découle que notre santé est de plus en plus menacée. Tel est le message envoyé au monde entier par l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) en publiant le 15 mai dernier un rapport intitulé « Responding to climate change impacts on human health in Europe : focus on floods, droughts and water quality ». Celui-ci attire l’attention sur les conséquences hydriques du changement climatique pour la santé et le bien-être. Impact qui se fait déjà sentir dans toute l’Europe, où l’on observe une augmentation du nombre de décès, de lésions, d’épidémies de maladies infectieuses et de conséquences sur la santé mentale. Il est urgent que les pouvoirs publics, les sociétés de gestion de l’eau et les prestataires de soins de santé améliorent la coordination et accélèrent la mise en œuvre de leurs efforts afin de prévenir et réduire ces répercussions sur la santé.

Publié dans le cadre des activités de l’Observatoire européen du climat et de la santé, le rapport reprend et complète les travaux de ce dernier. Il fait suite à l’évaluation européenne des risques climatiques publiée au début de l’année, dans laquelle la santé est identifiée parmi les secteurs à risque. Le rapport de l’AEE est publié un jour après la parution du dernier rapport du Lancet Countdown sur la santé et le changement climatique en Europe. Il met aussi clairement en garde contre le fait que le secteur de la santé de l’UE n’est pas prêt à relever les défis du changement climatique.

Quelques faits

Entre 1980 et 2022, 5 582 décès dus à des inondations et 702 décès dus à des incendies de forêt ont été enregistrés dans 32 pays européens. Un Européen sur huit vit déjà dans une zone sujette aux inondations fluviales et environ 30 % des habitants du sud de l’Europe sont confrontés à un stress hydrique permanent. Le changement climatique va encore accentuer l’exposition des populations aux phénomènes météorologiques extrêmes, ce qui aura de graves conséquences sur la santé. Parmi les groupes les plus touchés par les inondations, les sécheresses, les incendies de forêt ou les maladies à transmission hydrique ou vectorielle, figurent les aînés, les enfants, les personnes en mauvaise santé, les groupes à faible revenu, les agriculteurs et les services d’urgence.

Principaux risques nécessitant des mesures

Inondations : malgré la mise en place de dispositifs de protection contre les inondations, quelque 53 millions de personnes (12 % de la population européenne) vivent actuellement dans des zones sujettes aux inondations fluviales. Un nombre qui a augmenté de 935 000 entre 2011 et 2021, ce qui indique un développement continu en zones inondables. En Europe, un hôpital sur neuf est situé dans des zones sujettes aux inondations fluviales.

Sécheresse et pénurie d’eau : les régions d’Europe sont soumises à un stress hydrique quasi permanent en raison de la sécheresse et des besoins en eau, et pas seulement dans le sud. Les périodes prolongées de temps sec et chaud favorisent la propagation d’incendies de forêt, en particulier dans le sud de l’Europe, mais aussi de plus en plus dans d’autres régions. Outre les plus de 700 décès recensés entre 1980 et 2022, aux dégâts matériels s’ajoutent les dégâts sanitaires, notamment un grand nombre de personnes touchées par les fumées des incendies de forêt.

Les effets du climat sur la qualité de l’eau sont :

• la hausse de température de l’air et de l’eau favorise la croissance d’agents pathogènes, ce qui accroît le risque de maladies transmises par l’eau ;

• en cas de fortes pluies, les eaux de ruissellement polluées et les débordements d’égouts combinés sont deux fois plus susceptibles de provoquer des concentrations nocives d’agents pathogènes dans les masses hydriques ;

• dans les zones de basse altitude, l’élévation du niveau de la mer provoque l’intrusion d’eau salée dans les eaux souterraines et les eaux de surface, ce qui affecte les cultures ;

• les faibles débits en période de sécheresse entraînent des concentrations plus élevées de polluants, ce qui implique un traitement des eaux usées particulièrement coûteux.
Pendant les périodes sèches et chaudes, la prolifération de cyanobactéries dans les eaux riches en nutriments peut compromettre la qualité de l’eau.

À la lumière de ces faits, le rapport souligne l’urgence de mettre en œuvre et d’intégrer davantage la législation européenne existante, en particulier les diverses politiques européennes sur le climat, l’eau et la santé, et de déployer les solutions qui sont déjà en place dans tous les secteurs et à tous les niveaux de gouvernement pour protéger des vies, prévenir les effets néfastes sur la santé et accroître le bien-être.

Des gouvernements prévoyants ?

En début d’année, la Commission européenne a été critiquée pour avoir repoussé (indéfiniment) la publication sous forme de communication de la Commission d’une initiative sur la résilience dans le domaine de l’eau, dont l’objectif était d’apporter des idées pour améliorer la résilience dans le domaine de l’eau et d’orienter les travaux de la prochaine Commission. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, avait elle-même annoncé cette initiative dans le cadre du pacte vert, avant d’appuyer sur « pause » en février dernier...

Interrogée sur cette inaction à la lumière des avertissements de l’AEE, Aleksandra Kazmierczak, experte de l’AEE, a déclaré lors d’un briefing : « Le rôle de l’AEE est de fournir les meilleures connaissances possible pour soutenir les activités de la Commission européenne et c’est ce que ce rapport tente de faire. » Elle a également fixé le moment choisi pour la publication du rapport, soit un mois avant les élections européennes de juin, et a ajouté que les auteurs espéraient que les connaissances fournies conduiraient effectivement à une action en faveur de la résilience de l’eau. Les auteurs appellent en outre les pays de l’UE à mieux intégrer le changement climatique dans leur politique de santé et à veiller à une mise en œuvre urgente et plus cohérente de la législation européenne existante.

Le rapport souligne également la responsabilité des pouvoirs publics des États membres. Si de nombreuses autorités locales disposent de plans d’adaptation au climat, la santé est beaucoup moins prioritaire qu’au niveau national, souvent en raison des pouvoirs limités dont disposent les gouvernements infranationaux dans ce domaine.

Le niveau de gouvernance infranational est considéré comme le plus approprié pour mettre en œuvre de nombreuses mesures d’adaptation, tant par l’UE que par les pays. La santé ne constitue toutefois pas un secteur prioritaire dans le cadre des activités d’adaptation au niveau local. Par ailleurs, ce sont souvent les autorités locales et régionales qui sont responsables de l’aménagement du territoire, du logement, de la gestion de l’eau et d’autres secteurs déterminants pour la santé. Elles connaissent donc bien les risques locaux et les vulnérabilités de la population. D’où l’urgence de sensibiliser les décideurs au niveau infranational aux risques pour la santé. C’est dans cette optique qu’il est nécessaire de fournir les connaissances techniques et les ressources financières adéquates pour orienter les efforts d’adaptation climatique vers la santé.