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Nouvelles obligations en matière d’ergonomie au travail et de prévention des troubles musculosquelettiques

Actualités - 28/05/2024
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Auteur(s): 
Valérie Vervliet (conseillère générale DG Humanisation du travail, SPF Emploi et collaboratrice scientifique à l’Université d’Anvers)


Le 15 mai 2024, paraissait au Moniteur belge une nouvelle réglementation relative à l’ergonomie au travail et à la prévention des troubles musculosquelettiques (TMS), en l’occurrence l’arrêté royal du 19 mars modifiantle livre VIII du Code du bien-être au travailen ce qui concerne l’ergonomie au travail et la prévention des troubles musculosquelettiques au travail. Ces nouvelles règles sont entrées en vigueur le 25 mai 2024 et font partie du Code du bien-être au travail.

À ce jour, la prévention des troubles musculosquelettiques au travail n’est que très peu réglementée dans le code : les dispositions actuelles du livre VIII ne couvrent que les écrans de visualisation (1), la manutention manuelle de charges (2) et les sièges de travail et de repos. Or, le grand nombre de travailleurs absents (de longue durée) pour cause de troubles musculosquelettiques (TMS) montre clairement qu’il est urgent d’intensifier les efforts de prévention des TMS et d’améliorer l’ergonomie au travail de manière générale.

Cette approche se reflète dans le nouveau titre du livre VIII du code, qui s’intitulera désormais « Ergonomie au travail et prévention des TMS ».

L’arrêté royal remanie le livre VIII pour introduire les (nouvelles) dispositions générales relatives à l’ergonomie au travail et à la prévention des TMS dans le titre 1er du livre VIII. Les règles spécifiques liées à l’ergonomie dans certaines activités, telles que le travail sur écran de visualisation (titre 2) et la manutention manuelle de charges (titre 3), restent inchangées. Le titre 1er actuel relatif aux sièges de travail et de repos est déplacé en amont et constituera dorénavant le titre 4 du livre VIII.

Nouvelles définitions relatives à l’ergonomie au travail et aux risques musculosquelettiques

L’arrêté royal du 19 mars 2024 introduit quatre notions, qui sont définies dans le livre I du code : le conseiller en prévention ergonome, l’ergonomie au travail, les troubles musculosquelettiques (TMS) et les risques musculosquelettiques au travail.

Les troubles musculosquelettiques (TMS) sont des problèmes de santé qui concernent les structures musculosquelettiques telles que les muscles, les tendons, les ligaments, les nerfs et les articulations, et qui se manifestent notamment par des affections du dos, de la nuque, des membres supérieurs ou inférieurs (article I.1-4, 32° du code). Il peut s’agir de hernies discales, de lombalgies, de tendinites du coude ou du genou, du syndrome du canal carpien, d’arthrose, etc. Le code vise spécifiquement les TMS causés ou aggravés par l’exposition à des risques musculosquelettiques au travail, comme travailler en station debout ou assise pendant de longues périodes, effectuer des tâches dans des postures difficiles ou inadaptées, déplacer ou soulever des charges (lourdes) ou des personnes, réaliser constamment des actions répétitives et exercer une force élevée sur des équipements.

Le code définit donc les risques musculosquelettiques au travail comme la probabilité qu’un ou plusieurs travailleurs subissent un dommage physique, tel que les TMS ou d’autres problèmes de santé, en raison de l’exposition à des facteurs de risque biomécaniques ou d’autres facteurs de risque au travail, sur lesquels l’employeur a un impact (article I.1-4, 33° du code). On ignore parfois que les risques musculosquelettiques peuvent non seulement provoquer un TMS classique et connu, mais aussi entraîner d’autres problèmes de santé, comme des maladies cardiovasculaires, des varices, une mauvaise circulation sanguine, de la fatigue ou de l’épuisement, le diabète de type II et le cancer.

Les employeurs sont donc désormais tenus de développer une politique de prévention qui prenne en compte l’ergonomie dans tous les domaines du bien-être au travail. Le code définit l’ergonomie au travail comme une approche visant à adapter le travail (y compris le poste de travail et l’environnement de travail) à l’humain en tenant compte de ses caractéristiques physiques, mentales, psychiques et sociales (par exemple, l’âge et l’état de santé physique et mental), et qui doit être appliquée dans tous les domaines du bien-être au travail (article I.4-31° du code).

À cette fin, l’employeur peut bien entendu se faire assister par le conseiller en prévention interne, mais également par le conseiller en prévention ergonome spécialisé, qui répond aux conditions visées à l’article II.3-30, § 1er, 3° du code en ce qui concerne le diplôme de base, la formation complémentaire spécialisée et l’expérience pratique utile requise en tant que conseiller en prévention ergonome.

L’ergonomie doit être prise en compte dès la conception des (nouveaux) postes de travail

Les employeurs doivent tenir compte de l’ergonomie au travail dès la conception et l’aménagement des postes de travail, mais aussi lors de l’adaptation des postes de travail, afin de prévenir les TMS ou d’autres problèmes de santé causés ou aggravés par les risques musculosquelettiques au travail (article VIII.1-1, § 1er du code). Il est vrai que si l’aspect ergonomique n’est pris en compte que tardivement, le risque existe que certains éléments soient déjà pratiquement impossibles à mettre en place : il est donc important de considérer le poste de travail non seulement du point de vue de la sécurité et de la santé au travail, mais aussi du point de vue de l’ergonomie, et ce dès la phase de conception.

Cela signifie qu’un employeur qui recherche ou construit un nouveau bâtiment à usage de lieu de travail doit veiller, dès le début, à ce que les postes de travail soient conçus et aménagés de manière aussi ergonomique que possible (sans oublier, bien sûr, les autres aspects du bien-être tels que la sécurité, la santé, l’hygiène et les aspects psychosociaux du travail).

Il convient également d’accorder une attention particulière à l’ergonomie lors de l’aménagement du lieu de travail et du positionnement des postes de travail, par exemple lors du choix et du positionnement des armoires (hauteur ?), des chaises et des tables (adaptables, réglables en hauteur ?), de l’éclairage (bon éclairage du poste de travail), des câbles, etc.

L’analyse des risques doit être renouvelée à chaque modification des postes de travail afin de vérifier si les résultats sont meilleurs ou si les mesures prises doivent être à nouveau ajustées.

Analyse des risques musculosquelettiques au travail et mesures préventives appropriées

L’employeur doit procéder à une analyse des risques musculosquelettiques au travail (article VIII.1-1 du code). À cet égard, il doit tenir compte des éléments suivants :

A. les facteurs de risque biomécaniques auxquels les travailleurs sont exposés, tels que :

- l’usage d’une force, par exemple lors des actions de prise, compression, torsion, pression, préhension, levage ou abaissement, poussée ou traction, manutention ou déplacement d’objets et de personnes, par exemple lors des soins aux patients, de la manutention ou du déplacement de boîtes (avec ou sans poignées, pleines ou vides...) ;

- les mouvements répétitifs, comme pour un coiffeur, un collaborateur de chaîne de montage qui trie ou emballe des aliments dans des boîtes, ou qui serre la même vis plusieurs fois, un opérateur de caisse qui scanne des produits, travaille avec une souris d’ordinateur, fait le ménage ;

- la durée et la fréquence des mouvements ou des tâches : les travailleurs qui doivent effectuer (les mêmes) gestes en succession rapide, par exemple en raison de la vitesse d’un tapis roulant, souffriront plus rapidement que ceux qui disposent de plus de temps pour le faire ;

- les postures de travail, en particulier les postures extrêmes, inconfortables, défavorables ou statiques : travail à genoux, accroupi, voûté, dans des espaces restreints, ainsi que le travail prolongé en station debout ou assise (y compris le travail de bureau), etc. ;

- les gestes au travail, en tenant compte de l’amplitude, de l’angle et de la vitesse du mouvement : les personnes qui doivent saisir un objet à proximité souffriront moins vite que celles qui doivent s’éloigner pour le faire ; le fait de porter ou de prendre un objet à une hauteur supérieure à celle des épaules entraînera plus rapidement des troubles, etc. ;

- la force de contact, par exemple lors de la préhension (rigide) d’outils ou la pression localisée sur des surfaces (pour ramasser des boîtes, par exemple avec des poignées ou sans poignées) ;

B. les autres facteurs de risque liés au poste de travail, comme le port d’EPI (lourds ou inconfortables), un éclairage inadéquat ou trop de bruit en fonction des activités ;

C. les résultats des analyses des risques réalisées dans d’autres domaines du bien-être au travail, qui peuvent influencer de manière directe ou indirecte les risques musculosquelettiques au travail, par exemple les écrans et la manutention manuelle de charges, l’exposition aux vibrations (agents physiques), la surcharge de travail (risques psychosociaux), le travail dans le froid (facteurs environnementaux thermiques). L’interaction entre les domaines du bien-être ne doit donc pas être négligée.

Sur la base de cette analyse des risques, l’employeur devra mettre en place des mesures de prévention appropriées pour prévenir les risques musculosquelettiques au travail, en appliquant les principes généraux et la hiérarchie de prévention (article VIII.1.-3, § 1er du code). Il s’agira souvent d’une combinaison de différentes mesures, comme la mise à disposition d’équipements de travail adaptés, conjuguée à une formation appropriée, etc.

Par exemple concevoir ou adapter les machines et les lignes de production en tenant compte de l’ergonomie (hauteur, vitesse, portée, limitation de la rotation ou du levage, possibilité d’alterner les stations assise et debout...), fournir des équipements de travail adaptés (tels que des élévateurs, des robots et des cobots, des supports pour ordinateurs portables ou un deuxième écran, etc.) et un mobilier adapté (chaises et tables réglables, lits surélevés...), offrir un environnement de travail adapté (en termes d’éclairage, de climat intérieur, de bruit/silence...), fournir les informations nécessaires et une formation appropriée (par exemple sur le réglage correct des chaises de bureau, l’utilisation adéquate des équipements de travail tels que les écrans, la diversité des tâches, l’importance des pauses et de l’exercice physique, le levage et la manutention de charges pour ménager le dos).

Les résultats de l’analyse des risques et les mesures de prévention doivent être inclus dans le plan global de prévention et, le cas échéant, dans le plan d’action annuel (article VIII.1-4 du code).

Quels acteurs du lieu de travail interviennent-ils dans l’analyse des risques et le processus de proposition et d’adoption des mesures de prévention ?

Conformément à l’usage, l’employeur est responsable de l’analyse des risques et des mesures préventives, mais il doit au moins y associer les personnes suivantes (article VIII.1-2, § 1er et article III.1.-3, § 1er du code) :

- le conseiller en prévention du service interne ;

- le conseiller en prévention ergonome : son intervention est facultative, sauf dans un certain nombre de situations explicitement mentionnées dans le code, telles que :

o lorsque la complexité de l’analyse des risques le requiert et que personne n’a l’expertise en interne pour mener à bien une analyse aussi complexe (par exemple un ergonome travaillant dans l’entreprise sans être conseiller en prévention). L’employeur peut juger (par analogie avec les risques psychosociaux) que c’est le cas, par exemple dans des situations spécifiques où plusieurs facteurs sont présents simultanément et requièrent un degré d’expertise dont ne dispose normalement pas l’entreprise ;

o lorsque cela découle de la visite d’entreprise visée à l’article II.3-53 du code : si, au cours de la visite (de reconnaissance ou périodique) de l’entreprise par le visiteur d’entreprise du service externe de prévention, il est constaté qu’il existe des risques musculosquelettiques spécifiques pour lesquels le recours à un conseiller en prévention ergonome est nécessaire ou souhaitable, cela doit être signalé à l’employeur et au service externe pour un suivi ultérieur : dans ce cas, il est obligatoire que le conseiller en prévention ergonome intervienne dans l’analyse des risques et donne des conseils sur les mesures de prévention à mettre en œuvre ;

o lorsqu’il découle de l’avis stratégique visé à l’article II.3-56 du code, et plus particulièrement lorsqu’une ou plusieurs des cinq priorités de prévention identifiées dans l’avis stratégique pour les petits employeurs (du groupe D ou C) concernent les risques musculosquelettiques ou l’ergonomie au travail.

Le cas échéant, l’employeur peut évidemment faire appel à des conseillers en prévention issus d’autres domaines tels que le conseiller en prévention aspects psychosociaux ou le conseiller en prévention-médecin du travail.

Et il va de soi que les travailleurs doivent également être impliqués dans l’analyse des risques et la proposition de mesures de prévention (article VIII.1-2, § 2 et article VIII.1-3, § 1er du code) par l’intermédiaire du comité pour la prévention et la protection au travail ou, à défaut, de la délégation syndicale. À défaut de tels dispositifs, les travailleurs doivent être directement impliqués dans l’analyse des risques.

Quand l’analyse des risques et les mesures de prévention doivent-elles être réexaminées ?

Le code prévoit qu’il convient d’examiner au moins une fois par an, et en tout état de cause lors de tout changement pouvant affecter l’exposition des travailleurs aux risques musculosquelettiques au travail, si une mise à jour de l’analyse des risques est nécessaire (article VIII.1-1, § 3 du code) : si rien n’a changé depuis la dernière analyse des risques et si aucun travailleur ne se plaint de problèmes de santé liés aux risques musculosquelettiques, aucune autre mesure n’est nécessaire. Si c’est le cas (remplacement des ordinateurs de bureau par des ordinateurs portables, intensification du télétravail ou absence prolongée de plusieurs travailleurs pour cause de TMS...), l’analyse des risques doit être mise à jour et les mesures de prévention peuvent être adaptées.

Parallèlement, l’employeur doit également évaluer les mesures de prévention, soit une fois par an, et lors de tout changement susceptible d’affecter l’exposition des travailleurs aux risques musculosquelettiques au travail (article VIII.1.-3, § 2 du code). Lors de son évaluation, l’employeur doit également tenir compte des aspects spécifiques suivants :

- les recommandations et les avis du conseiller en prévention ergonome, par exemple dans le cadre de l’analyse des risques ou de la proposition ou évaluation de mesures de prévention, mais aussi éventuellement dans le cadre de visites d’entreprise ou de l’avis stratégique ;

- les recommandations et avis du conseiller en prévention-médecin du travail relatifs aux risques musculosquelettiques. Le code précise que ces recommandations ou avis peuvent résulter de la surveillance de la santé périodique et du rapport global, par exemple l’information selon laquelle un certain nombre de travailleurs présentent des symptômes (éventuellement) liés aux risques musculosquelettiques au travail. Les rapports du médecin du travail établis dans le cadre de la politique collective de réintégration des travailleurs ou les déclarations de maladies professionnelles peuvent également fournir des informations utiles à l’employeur, par exemple lorsque plusieurs travailleurs ont cessé de travailler en raison d’un TMS ;

- les avis du comité relatifs aux risques musculosquelettiques au travail ;

- l’avis stratégique du service externe de prévention chez les employeurs des groupes C et D, lorsqu’un des risques prioritaires ou une des recommandations concerne les risques musculosquelettiques au travail.

Comment les travailleurs doivent-ils être formés et informés sur l’ergonomie au travail et la prévention des risques musculosquelettiques ?

L’employeur doit veiller à ce que les travailleurs et le comité reçoivent les informations et une formation appropriée en rapport avec les risques musculosquelettiques au travail (article VIII.1-5 du code). Cela devrait comprendre au moins les aspects suivants :
- la nature des risques musculosquelettiques et les facteurs de risque biomécaniques et autres, ainsi que les conséquences possibles pour la santé, telles que les TMS ;
- les mesures de prévention prises et les méthodes de travail appropriées (par exemple la mise à disposition de chaises de bureau ergonomiques et les informations nécessaires pour les régler correctement, la formation aux bonnes postures assises, la sensibilisation à la nécessité de se lever régulièrement et de faire suffisamment d’exercice) ;
- le rôle de la ligne hiérarchique lors de la mise en œuvre et du suivi des mesures de prévention ;
- la surveillance de la santé (qui est restée inchangée en substance pour le moment, cf. article VIII.1-6 du code) ;
- la méthode de travail pour la détection et la communication des TMS ou d’autres problèmes de santé causés par les risques musculosquelettiques au travail.

(1) Ce titre constitue la transposition en droit belge de la directive 90/270/CEE du Conseil du 29 mai 1990 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives au travail sur des équipements à écran de visualisation.
(2) Transposition en droit belge de la directive 90/269/CEE du Conseil du 29 mai 1990 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à la manutention manuelle de charges comportant des risques, notamment dorso-lombaires, pour les travailleurs.

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